Monday, April 04, 2005

Chronique d'une mort annoncée

Pour quelqu’un qui comme moi dévore quotidiennement 10 à 20 journaux (online, œuf corse), sans parler d’une bonne cinquantaine de blogs, les récoltes ces jours-ci sont particulièrement maigres. Les informations sont consacrées exclusivement à la mort du Pape et je commence à en avoir assez du même pâté au menu.


Je n’ai rien contre ce Pape qui, de son vivant, n’a suscité en moi qu’un agacement diffus et dont la mort me laisse indifférente. Les photos des foules éplorées sont toujours émouvantes, bien sûr, mais bon, il fallait bien qu’il meure un jour, ce brave homme, il avait plus de 80 ans! Je ne suis pas non plus particulièrement impressionnée par les avalanches de louanges et d’hommages que le monde lui rend. Ses succès (ouverture à d’autres religions [mais non au bouddhisme sur lequel il a dit plein d’âneries, mais bon, c’est le Pape, qu’est-ce qu’il peut vouloir connaître du bouddhisme?], condamnation de la guerre d’Iraq), jetés sur la balance avec ses décisions plus douteuses (protection des prêtres pédophiles, position antique sur la sexualité, les femmes et les homosexuels), donnent un bilan plutôt médiocre. Bref, pour moi, Jean-Paul II était juste un pape qui faisait son boulot de pape.


Ce qui a éveillé en moi un soupçon d’intérêt, c’est la grande probabilité qu’il acquière bientôt le statut de saint. Il me semble que la qualité de saint devrait être plutôt difficile à obtenir, non? En quoi Jean-Paul II était-il plus qualifié que d’autres? Je constate non sans amusement que les personnes qui occupent les positions les plus élevées dans certaines classes ou catégories sociales bénéficient souvent d’une indulgence qui est refusée à la plupart d’entre nous. On loue par exemple Jean-Paul II pour son multilinguisme. N’est-ce pas la moindre des choses pour un pontife? D’ailleurs, ce pape-ci et ceux qui l’ont précédé, n’ont jamais démontré ce talent que par quelques courtes phrases lues urbi et orbi (souvent péniblement et avec un accent épouvantable) dans 36 langues à partir d’un page dactylographiée. Pas très convaincant, à mon avis. De même, Ms Condi Rice n’a pas prononcé une seule phrase en russe pendant son séjour récent en République de Russie, malgré sa soi-disant parfaite maîtrise de cette langue. Quand au Président Bush, censé être bilingue (anglais et espagnol), ses discours initiaux en espagnol a tellement fait sourire les gens qu’ils ont été rapidement éliminés (les discours en espagnol, pas les gens souriants). J’ai aussi lu quelque part que le Prince William (ou je ne plus quel membre de la famille royale britannique) savait piloter un hélicoptère. Ma réaction: Big deal, il a tout le temps et tout l’argent du monde pour prendre des cours de pilotage! Bref, ces gens là reçoivent l’admiration des foules pour avoir fait preuve de la moindre qualité ou d’une compétence minimale dans les domaines les plus insignifiants. Le fait est que les gens ont besoin d’aduler quelqu’un, que l’idole choisie le mérite ou non. Si ce n’est pas le Pape, ce sera la Princesse Diana, dont la mort avait également provoqué l'hystérie générale. Si ce n’est le Président Bush, ce sera Britney Spears. Même Charles Manson a son fan club.


Jean-Paul II deviendra donc un saint et les fidèles qui lui adresseront leurs prières verront leurs vœux exaucés, ce qui prouvera qu’il est un vrai saint et non pas le simple porteur du titre de Saint Père. Sinon, s’il n’y a pas de miracle, ce sera parce que les priants manquent de foi, ou parce Dieu en a décidé autrement, ou quelque chose. Ce qui compte, c’est que la masse humaine dispose de ses idoles.


Vous trouvez que je manque de respect pour le Pape? Vous avez parfaitement raison. Mon irrespect n’est cependant pas dirigé contre Jean-Paul II en particulier, mais plutôt contre tous les prêtres en général qui font partie de cette structure hiérarchisée para-militaire caractéristique de toutes les religions organisées. Cet irrespect vise également les fidèles de toutes les religions qui acceptent que des vierges et des célibataires vivant en vase clos dans des communautés subventionnées leur disent comment régler leurs problèmes maritaux et familiaux, comment gérer leur comportement sexuel et leur liberté de reproduction, et pour quel parti politique il faut voter. Jean-Paul II était-il un bon pape et un saint? Je n’en sais rien et je m’en fous. Les catholiques, tout comme les Américains, ont et auront les dirigeants qu’ils méritent. Meet the new Boss, same as the old Boss.

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